Lewis Caroll 2

Conférence réalisée par

Guillaume WINTER

Mardi 29 avril 2025

  1. L’AUTEUR : Lewis CAROLL

Lewis Caroll est le nom de plume de Charles Lutwidge Dodgson, Ce nom est composé des lettres de son nom traduit en latin. Il est né le 27 janvier 1832 à Daresbury il est mort le 14 janvier 1898 à Guildford.

Fils le plus âgé d’une grande famille de 11 enfants, il amuse et divertit son auditoire. Il souhaite captiver. A 10 ans c’est quelqu’un qui montre une grande aptitude à inventer des histoires et des jeux. Il participera grandement à l’écriture d’un magazine familial qui sera édité après sa mort.

Issu d’une famille anglicane plutôt conservatrice, il fait ses études au Christ Church College de l’Université d’Oxford, avant d’y enseigner. (Harry Potter a maintenant remplacé Alice dans les salles de l’Université). Il est un étudiant brillant en Mathématiques mais aussi en linguistique -latin, grec – et obtient de très bons résultats.

Photographe, poète, romancier très rigoureux, il est aussi excentrique et a une imagination débordante.

Il est principalement connu pour son roman Les Aventures d’Alice au pays des merveilles  (1865) et sa suite De l’autre côté du miroir (1871).

Lewis Carroll, professeur de mathématiques logique à l’Université d’Oxford, où il passera toute sa vie, y rencontre Alice Liddell, fille du doyen Henry Liddell, qui sera son inspiratrice.

Il n’aura pas de famille. La polémique d’attirance de Lewis Caroll pour les enfants n’est pas fondée.

Avant d’être un texte, un récit, une histoire « Alice au pays des merveilles » lui offre la possibilité de faire passer un message et de dépasser son bégaiement.

 

  1. LES RECITS : Alice et sa postérité
  • Alice s’ennuie auprès de sa sœur qui lit un livre tandis qu’elle ne fait rien. « À quoi bon un livre sans images, ni dialogues ? », se demande Alice. Mais voilà qu’un lapin blanc aux yeux roses vêtu d’une redingote avec une montre à gousset passe près d’elle en courant. Cela ne l’étonne pas le moins du monde. Pourtant, lorsqu’elle le voit sortir une montre de sa poche et s’écrier : « Je suis en retard ! En retard ! En retard ! », elle se dit que décidément ce lapin a quelque chose de particulier. En entrant derrière lui dans son terrier, elle fait une chute presque interminable qui l’emmène dans un monde aux antipodes du sien. Elle va rencontrer une galerie de personnages retors et se trouver confrontée au paradoxe à l’absurde et au bizarre …

    Alice est la fille d’un collègue. Le 4 juillet 1862, un groupe vient faire un pique-nique dans les jardins d’Oxford et une histoire va être inventée par Lewis Caroll pour les enfants « Alice… ». En fin de journée, Alice est tellement contente de cette histoire qu’elle va demander à Lewis de lui écrire cette histoire. Elle est le résultat d’une commande

Ecrit à la main sans ratures, c’est lui qui illustrera ce premier texte de dessins naïfs.

Sous la pression de son entourage, il envisagera de le publier et ôtera certains détails (pique-nique, possibilité de reconnaître des personnes de son entourage…). Il souhaite aussi de meilleures illustrations et passera commande à John TENNIEL, illustrateur très connu pour ses caricatures et illustrations humoristiques et satiriques dans la revue « Punch ».

En 1865, Lewis Caroll lui trouve un titre : « les aventures d’Alice au pays des merveilles ». La première édition est sortie en peu d’exemplaires et avec quelques « taches » mais petit à petit une seconde édition est nécessaire. A la mort de Lewis Caroll, c’est le livre le plus vendu. La littérature pour enfants se développe au XIX on parle d’« une vague dans la littérature jeunesse »

  • Eclairages linguistique et philosophique

Ce livre a été écrit pour des enfants mais beaucoup de couches linguistiques et philosophiques se superposent : des jeux linguistiques, une inventivité débridée, ce n’est pas une allégorie : les jeux de mots sont faits pour s’amuser mais ne recouvrent pas une intention. Il n’y a pas de sens caché.

Ce livre a été traduit dans toutes les langues. C’est un livre de pérégrination, un voyage avec des étapes, des rencontres, c’est une leçon morale permettant la compréhension du monde. Il est écrit du point de vue de l’enfant, au style indirect (toujours à travers les yeux d’Alice) et en ce sens il est sincère.  Il y a peu de descriptions, ce sont les images qui occupent cette fonction descriptive.

Alice est curieuse, ce qui la pousse à aller de l’avant, jusqu’à la chute au centre du terrier de Monsieur Lapin… ce n’est pas une aventure linéaire, il s’opère des transformations, des renversements…

Au travers de ce texte on trouve des jeux linguistiques (positionnement des mots pour symboliser la queue d’une souris (visuel)

Si on le lit à voix haute on perçoit les rimes (auditif). Ce texte lu à voix haute est très poétique, il est oratoire : les répétitions et rimes amusent les enfants. C’est très ingénieux et absurde à la fois « drolatique » = des animaux qui parlent ex : le dodo. Texte dont il ne faut pas chercher le sens = « nonsense », il passe par l’absurde pour s’amuser.

A Oxford, il existe le plus vieux musée d’histoire naturelle du monde, il y a un dodo empaillé : Lewis Caroll s’en serait inspiré pour son histoire.

Le personnage est présent dans les 5 pages : on obtient quelque chose de décalé et au début c’est déroutant : il est impossible de traduire exactement les mots de l’auteur.

Chaque épisode a sa propre langue, son environnement : on est dans le décalage permanent : c’est un mode d’écriture qui montre la tension entre le monde de l’enfance et celui de la jeunesse voire de l’adulte.

Dérèglement de l’espace et du temps, inversions, jeux sur la taille des personnages.

 

Suzanne Roussi

D’un point de vue philosophique on note qu’Alice se cherche dans ce monde : elle rencontre tellement de choses étranges qu’elle s’interroge sur sa réalité dans ce monde, elle doit se trouver elle-même : « mais qui suis-je donc dans ce monde ? » « Qu’est-ce que tu es ? qui es-tu ? ».

Toutes les illustrations sont pensées par Lewis Caroll et sont positionnées par rapport au texte. On est dans quelque chose à la fois d’irréel et de familier – un mouvement.

Alice est très curieuse, très ouverte. Elle rencontre des personnes qui ont des avis très tranchés : le personnage le plus raisonnable dans ce récit : c’est l’enfant : il s’agit d’une logique de renversement : l’opinion la plus logique est celle de l’enfant… On note ainsi ce que les enfants peuvent apporter au monde : leur regard.

Le sourire du chat : « the cat smile » est devenu une expression en Angleterre : avoir un sourire jusqu’aux oreilles…

Le chat cherche à la convaincre que tout le monde est fou, qu’elle est folle dans un monde de fou = donc tout est normal. Donne l’idée que « grandir » c’est perdre ses illusions. Alice a beaucoup d’illusions.

Logique de renversement : à la fin on découvre que l’on a lu l’histoire qu’Alice a racontée à sa sœur lorsqu’elle se réveille…  Maintenant, c’est l’heure du repas Wonderland « pays des merveilles » = endroit où l’on est dans un ailleurs… d’un point de vue littéraire, l’intervention de la sœur est un enchâssement mais ce n’est pas du nonsense.

En 1871 Lewis Caroll écrira d’autres textes qui auront beaucoup moins de succès « un des échecs les plus retentissant, il a perdu sa veine… »

  • De l’autre côté du miroir

Alice, qui s’ennuie, s’endort dans un fauteuil et rêve qu’elle passe de l’autre côté du miroir du salon.

Le monde du miroir est à la fois la campagne anglaise, un échiquier, et le monde à l’envers, où il faut courir très vite pour rester sur place. Alice y croise des pièces d’échecs (reine, cavalier) et des personnages de la culture enfantine de l’époque victorienne.

Il s’agit d’une deuxième histoire, plus complexe, plus subtile qui se situe au-delà du réel : les objets, les images sont vivants et interagissent avec les humains. Dans un monde inversé pour m’approcher, je dois m’en éloigner.

Les aventures d’Alice dans — « de l’autre côté du miroir » — correspondent au déplacement des pièces et des pions au cours d’une partie d’échecs ; Alice est un pion dans le jeu d’échecs géant de la reine rouge.

Les mouvements sont ceux d’un jeu d’échecs : les créatures ont des opinions très tranchées, absurdes mais avec une certaine poésie.

Ce deuxième livre montre une structure différente, plus formelle que le premier, plus spontanée, tout droit sorti de l’imagination de Lewis Caroll : les aventures d’Alice au pays des merveilles… comme un rêve.

Le second, plus pensé, propose un jeu aux lecteurs dans une dimension plus symbolique : une traversée pour se connaître, De l’autre côté du miroir, Alice est-elle dans une quête spirituelle ? A tout le moins dans une exploration du monde : à la fin de l’histoire on a une autre vision du monde. On est dans une utopie : un monde qui n’existe pas, d’un ailleurs.

Le miroir est le symbole du renversement, du retournement des valeurs morales, physiques, linguistiques… les souvenirs sont aussi à rebours.

Le premier livre est une série de rencontres étranges : « trouver quelque chose qu’on ne cherchait pas », une révélation, une déambulation.

Le second livre plus systématique est une élaboration de paradoxes, de problèmes (on ressent l’esprit scientifique)

Cette obsession du renversement qui constitue l’un des thèmes dominants de l’œuvre de Lewis Carroll. Dans De l’autre côté du miroir, le temps aussi bien que l’espace se trouvent inversés.

On retrouve dans ce roman le mélange de poésie, d’humour et de non-sens qui fait le charme de Lewis Carroll. Il vaut mieux connaître les règles de base du jeu d’échecs pour apprécier toutes les subtilités du roman.

Les deux livres sont très discutés par les linguistes : beaucoup de jeux sur la langue, de retournements grammaticaux : Alice fait ce qu’elle veut avec la grammaire et cela passe bien dans ce monde où tout est sens dessus-dessous. Des jeux de mots qui n’ont pas forcément de solutions ou demandent réflexion au lecteur, la géographie bousculée, l’orthographe déformée : tout est possible, c’est un choix linguistique = c’est déroutant.

L’explication en est fournie par « L’Œuf Gros Coco » (Humpty Dumpty) dans De l’autre côté du miroir :

« C’est comme une valise, voyez-vous bien : il y a trois significations contenues dans un seul mot… Flivoreux, cela signifie à la fois frivole et malheureux… Le verchon est une sorte de cochon vert ; mais en ce qui concerne fourgus, je n’ai pas d’absolue certitude. Je crois que c’est un condensé des trois participes : fourvoyés, égarés, perdus. »

A la fin du XIX les représentations théâtrales se font avant l’adaptation au cinéma.

Les adaptations de Tim Burton, de Disney combinent les deux ouvrages

  1. LE « NONSENSE »

Lewis Caroll s’en empare pour écrire, créer un monde où il n’y a pas de sens, où le sens est renversé. Il s’inscrit dans le nonsense mais ne l’invente pas et crée des situations grotesques.

Qu’est-ce que cette forme linguistique ?

Une définition : Un non-sens est un propos, une proposition, une phrase dépourvue de sens. Il s’agit d’une notion proche de l’absurde. Par extension, le mot anglais nonsense peut désigner certaines formes d’humour absurde.

Le nonsense attire l’attention sur des choses, sur elle-même. Les deux tomes d’Alice au pays des merveilles comprennent une dimension métalinguistique qui contamine Alice, mais pas de façon cachée. On est amené à prendre du recul : la jeune fille s’interroge sur la forme linguistique : le texte se regarde lui-même.

La forme poétique qui multiplie les jeux de mots existait déjà en 1846 et a dû inspirer Lewis Caroll.

On réorganise le langage selon un principe de jeu, sans suivre les règles : un merveilleux exagéré. Le nonsense crée ses propres règles dans une polysémie comique, un décalage, un rêve. Il joue avec le réel.

Compte-rendu réalisé le 30/04/25 pour l’UTL