salle 1

Conférence réalisée par Françoise GAILLET-MANGIN

Mardi 16 janvier 2024

1571- 1592 L’ECLOSION D’UN PEINTRE

Né le jour de la Saint Michel Ange, c’est son certificat de baptême qui atteste de son identité. C’est à Milan, en Lombardie, qu’il vît le jour le 29 septembre 1671.

Son père est maître maçon. La famille habite dans un appartement cossu de Milan, et est entourée de deux serviteurs. Deux frères et une sœur viendront compléter la fratrie. Son grand-père est aussi installé dans le milieu familial, administrateur d’une congrégation importante. Il a des liens avec la famille Sforza dont Francesco Sforza, qui fut le témoin de mariage des parents de Michelangelo.

La famille quitte rapidement la ville en 1576 pour fuir la peste et se réfugie à Caravaggio. Mais en 1577, le père et le grand-père du petit Michelangelo meurent, victimes de cette épidémie, de même qu’un oncle, et Francisco Sforza. La mère va s’occuper des enfants, aidée par des membres de sa famille. A six ans, Caravage a déjà perdu des proches.

Il est scolarisé, et son attrait pour la peinture est pris en compte. A treize ans, il est mis en apprentissage chez Simone Peterzano, pour un contrat de quatre ans qui stipule que le jeune sera véritablement formé (et non voué aux corvées), en contrepartie d’un bon comportement.

Il apprend à préparer la peinture, les supports. Il est plus attiré par cet art que par reprendre le métier de son père. Son maître, l’un des plus importants, peint des allégories. A l’époque, c’est une peinture conventionnelle, peu créative, mais il y a aussi des jeux de lumière dans l’église où va travailler Caravage, qu’il va étudier.

Il va apprendre auprès de Frédéric Borromée, neveu de Charles Borromée (et ayant contribué à la fondation de l’ordre des oratoriens), comment peindre des œuvres religieuses. On retrouvera cette influence dans la simplicité des mises en scène, la figure de pauvre donnée aux apôtres, la fusion entre foi et vie quotidienne. Le peintre découvre également comment l’autorité religieuse peut à la fois être commanditaire des œuvres, et exercer un contrôle sur les images exposées au public.

Peterzano va recommander aux élèves comment peindre à partir du vivant.

La fin du 16ème siècle est révélateur d’une quête, l’intérêt pour les sciences naturelles, le développement des cabinets de curiosité. Influence également de Giuseppe Arcimboldo, peintre italien qui quitte la cour de Prague pour le Nord de l’Italie et présente une corbeille de fruits « réversible ».

Caravage termine sa formation en 1588, il a dix-sept ans. Il retourne dans son village de Caravaggio et fait ses premiers tableaux.  Exemple en 1591, portait d’un jeune homme qui épluche des fruits.

1571- 1592 L’ECLOSION D’UN PEINTRE

Né le jour de la Saint Michel Ange, c’est son certificat de baptême qui atteste de son identité. C’est à Milan, en Lombardie, qu’il vît le jour le 29 septembre 1671.

Son père est maître maçon. La famille habite dans un appartement cossu de Milan, et est entourée de deux serviteurs. Deux frères et une sœur viendront compléter la fratrie. Son grand-père est aussi installé dans le milieu familial, administrateur d’une congrégation importante. Il a des liens avec la famille Sforza dont Francesco Sforza, qui fut le témoin de mariage des parents de Michelangelo.

La famille quitte rapidement la ville en 1576 pour fuir la peste et se réfugie à Caravaggio. Mais en 1577, le père et le grand-père du petit Michelangelo meurent, victimes de cette épidémie, de même qu’un oncle, et Francisco Sforza. La mère va s’occuper des enfants, aidée par des membres de sa famille. A six ans, Caravage a déjà perdu des proches.

Il est scolarisé, et son attrait pour la peinture est pris en compte. A treize ans, il est mis en apprentissage chez Simone Peterzano, pour un contrat de quatre ans qui stipule que le jeune sera véritablement formé (et non voué aux corvées), en contrepartie d’un bon comportement.

Il apprend à préparer la peinture, les supports. Il est plus attiré par cet art que par reprendre le métier de son père. Son maître, l’un des plus importants, peint des allégories. A l’époque, c’est une peinture conventionnelle, peu créative, mais il y a aussi des jeux de lumière dans l’église où va travailler Caravage, qu’il va étudier.

Il va apprendre auprès de Frédéric Borromée, neveu de Charles Borromée (et ayant contribué à la fondation de l’ordre des oratoriens), comment peindre des œuvres religieuses. On retrouvera cette influence dans la simplicité des mises en scène, la figure de pauvre donnée aux apôtres, la fusion entre foi et vie quotidienne. Le peintre découvre également comment l’autorité religieuse peut à la fois être commanditaire des œuvres, et exercer un contrôle sur les images exposées au public.

Peterzano va recommander aux élèves comment peindre à partir du vivant.

La fin du 16ème siècle est révélateur d’une quête, l’intérêt pour les sciences naturelles, le développement des cabinets de curiosité. Influence également de Giuseppe Arcimboldo, peintre italien qui quitte la cour de Prague pour le Nord de l’Italie et présente une corbeille de fruits « réversible ».

Caravage termine sa formation en 1588, il a dix-sept ans. Il retourne dans son village de Caravaggio et fait ses premiers tableaux.  Exemple en 1591, portait d’un jeune homme qui épluche des fruits.

Dans le tableau du garçon mordu par un lézard, on loue l’attitude de ce jeune homme à l’air effrayé. Le théoricien Giovanni Baglione suggère qu’il s’agirait d’un autoportrait de Caravage. Rien n’est moins sûr. Un bouquet de roses et la rose dans la chevelure représentent l’amour. Si l’épaule est mal contournée, la transparence du verre capte le reflet d’une fenêtre. La tige est bien identifiable dans le verre. La transparence représente la vérité. Une autre version de ce tableau fait refléter la fenêtre de l’autre côté. C’est une allégorie de l’amour. La morsure par le lézard est une manière de mettre en garde des joies et tristesses de l’amour.

Bacchus, dieu du vin, revêt les traits d’un homme efféminé, mais sa main burinée, crasseuse, qui tient un verre, fait penser à un maçon. Au premier plan, une nature morte présente des fruits en décomposition, signifiant que le temps passe, les choses sont fugitives. L’allure alanguie du personnage fait allusion au plaisir.

La nature morte de la corbeille, au centre du tableau sur un fond uni (ci-dessus) donne l’illusion que les fruits sont réels. Les taches de nécrose sont présentes sur les fruits et les feuilles. La nature morte est éphémère. Allusion au Xénia, offrande offerte aux dieux pour attirer les bonnes grâces.

A Rome, Caravage poursuit sa formation. Il travaille pour un petit maître, qui va l’utiliser, pour montrer les secrets de sa peinture. Il le quitte pour un signore, qui l’utilise comme un domestique. Il paie son hébergement avec ses tableaux.

 Il le quitte brusquement pour rentrer dans l’atelier de Césari, personnage douteux et ambitieux, qui ayant été anobli devient le cavalier d’Arpin. Caravage va accéder au carnet d’adresse de Césari et va avoir des commandes. Il abandonne la peinture mythologique pour faire de la peinture religieuse.

Orsi lui commande trois tableaux :la Madeleine repentante, Le repos pendant la fuite en Egypte, et La diseuse de bonne aventure. Les personnages sont proches de nous, présentés jusqu’à la taille. Une prostituée aurait servi de modèle pour la Madeleine, donnant une impression d’humilité, elle est en pleurs, la lumière lui arrive frontalement sur la nuque. La bohémienne représente la fourberie, profitant de la naïveté du jeune homme pour lui dérober son anneau. Dans le tableau du repos, la vierge à droite, avec un paysage automnal, représente la vie spirituelle. A gauche, Joseph représente la vie active. La molène, dont les feuilles servent à faire des mèches de lampe, représente la lumière. On peut admirer également les détails des ailes de l’ange.

Une autre série de tableaux porte sur le thème de la musique.

Roberto Longhi, historien d’art et collectionneur, s’est intéressé à l’œuvre de Caravage, dont il a fait l’objet de sa thèse, et lors d’une exposition organisée à Milan en 1951 consacrée au maître Caravage, il parle d’un glissement sur la musique, inspiration de Caravage pour illustrer la concorde.

Dans le tableau représentant des musiciens, un jeune homme lit une partition, tellement bien représentée qu’on en a retrouvé le titre ; il s’agit d’un madrigal, ayant pour titre : Vous savez que je vous aime …un jeune musicien accorde son instrument, Cupidon tend son arc.

Sur le tableau du joueur de luth, à 14 cordes, la partition est aussi visible. On pense que le commanditaire, Gerolamo Vittrici, possédait des instruments de musique.

Caravage réalise ensuite L’extase de Saint François, pour Ottavio Costa, banquier des papes et mécène important de Caravage. Le Saint est présenté sous une forme d’abandon, il y a une grande diagonale qui traverse le tableau. Contraste entre ombre et lumière.

Caravage reçoit des commandes des plus grands à l’époque. Costa est protecteur de l’académie de Sainte Lucie et Saint Luc, et il jouait lui aussi de la musique.

Costa le met en relation avec Del Monte, membre du collège des cardinaux, et qui sera un de ces mécènes les plus importants.

Autres tableaux d’inspiration biblique :

-Judith décapitant Holopherne. Ce serait la courtisane de son rival qui aurait servi de modèle. Fleur d’oranger représentée, sabre oriental, contrastes d’ombre et de lumière. A travers ce geste, Judith va sauver son peuple.

– Le sacrifice d’Isaac : l’ange arrête de geste d’Isaac, le paysage à l’arrière-plan représente la campagne romaine

-On retrouve un sujet mythologique dans sa fameuse Tête de Méduse : le visage est déformé. Caravage se serait inspiré de ses propres traits.

On commande un plafond à Caravage, mais lui ce qu’il aime, ce sont les toiles. Il n’en fera qu’un, n’a pas fait de fresque, a travaillé sur une toile qui est collée, permettant de travailler sur les ombres et lumières. Il représente Neptune et Pluton, les signes du Zodiaque. Le plafond intègre trop de contraintes. Caravage ne reconduira pas l’expérience.

Pour la Chapelle Contarelli, Caravage réalise trois tableaux, à la demande du Cardinal : portant sur la vocation de Saint Matthieu, Saint Matthieu et l’Ange puis son martyre. Gestes précis de l’énumération théologique. L’ange essaie de convaincre Matthieu, qui n’a pas le temps de s’installer pour écrire. Les attitudes, les gestes sont bien pensés, inspirés du théâtre.

L’apôtre est représenté les pieds nus. Il faut montrer que les apôtres viennent du peuple. Volonté toujours affirmée de rendre les scènes plus proches. Dans le tableau, un personnage en arrière-plan serait son autoportrait, celui d’un visage torturé et triste.

A cette époque, Caravage a des problèmes de comportement : dettes de jeux, de loyer. Il va provoquer sa propriétaire en chantant des chansons paillardes. Il a un tempérament entier, belliqueux, rebelle, un esprit très libre.

D’autres tableaux : crucifixion de saint Pierre, représenté sur une croix ; la force des bourreaux, la puissance des corps, l’expression de la souffrance de saint Pierre montrent la détermination de Caravage. Il travaille rapidement, est précis dans son dessin.

Dans David et Goliath, volonté aussi de rendre visibles les choses, dans la façon dont David a dans sa main l’énorme tête de Goliath.

Puis Caravage va lâcher le protectorat de Del Monte, pour être libre Il va se réfugier au palazzo Mattéi. Il va dépasser ses enseignements, proposer des choses fortes, mythologiques ou religieuses : Narcisse, Le repas d’Emmaüs, où les expressions sont très marquées, une nature morte est sur le devant, ombres et lumières mettent en valeur les personnages, la Capture du Christ, Saint Jean Baptiste.

Un tableau fait scandale, celui d’un adolescent nu montrant que l’amour triomphe de tout, l’amour sacré terrassant l’amour profane. Il donne l’illusion de la vérité, de la réalité.

De nouveau Caravage commet de nombreux écarts de comportement :il lui est reproché d’avoir lancé un plat d’artichauts brûlants sur un aubergiste ; plus grave, il est accusé par un notaire de l’avoir blessé à la tête d’un coup d’épée, l’honneur d’une courtisane ayant posé pour Caravage étant en cause.

L’incrédulité de Saint Thomas est qualifiée comme un des meilleurs tableaux de Caravage. D’autres, comme la mise au tombeau est réalisé pour une chapelle, Notre Dame de Lorette également, dont le visage est très noble dans son attitude.

Le musée du Louvre à Paris expose le « fameux » tableau de la Mort de la Vierge, qui a fait scandale. Caravage a représenté le corps d’une femme du peuple, le ventre gonflé, a voulu donner un côté très réel.

Mais le commanditaire refuse le tableau, qui échappera à la destruction grâce à Rubens qui convainc le duc de Mantoue d’acquérir l’œuvre, l’une des plus belles de son temps.

Saint Jérôme, représenté comme un vieil ermite, bible en latin, crâne (Caravage va à l’essentiel des choses), Saint François en méditation, complètent la collection.

De son vivant, Caravage est un grand maître, on essaie de l’approcher.

Mais en 1606, un grave incident a lieu : le meurtre de Ranuccio Tommasoni lors d’une bagarre. Le meurtre est attribué à Caravage, qui doit prendre la fuite.

1606-1610 : ADAPTATION A L’EXIL

Condamné à la mort par décapitation, Caravage doit s’éloigner de Rome. Il est soutenu par la marquise Colonna, puis se rend à Naples, alors sous influence espagnole pour être hors de portée de la justice romaine.

Il va vite reprendre le travail. Il représente Sainte Anne, la patronne des palefreniers, en madone aux serpents, symbole de l’hérésie (on en trouve une petite copie au musée des Beaux-Arts de Lille), Salomé avec la tête de Saint Jean Baptiste, la crucifixion de Saint André, David et Goliath (visage torturé de Caravage).

Caravage se sent de plus en plus aux abois. Il va partir pour Malte car se sent menacé. Il veut être chevalier du Christ. Il est présenté au grand maître, Alof de Wignancourt, dont il peint le portrait. En 1608, Caravage est fait chevalier de malte de l’ordre de Saint Jean de Jérusalem, faisant vœu d’obéissance et de chasteté…

Il fait le portrait de quelques chevaliers, de l’Amour endormi (jeune enfant, Cupidon, qui va inspirer des poèmes).

Il réalise à la cathédrale Saint Jean de La Valette la Décollation de Saint Jean-Baptiste, et une Flagellation du Christ pour le clergé local.

Caravage devient de plus en plus abstrait, peint différemment. Ses tableaux sont abîmés.

Il est suspecté de s’être introduit dans la maison de l’organiste de la cathédrale, pour le dévaliser.

 Poursuivi, il part pour Syracuse, en Sicile. Il a toujours l’espoir d’être gracié par le pape.

Il répond à plusieurs commandes : L’enterrement de Sainte Lucie (le tableau est abîmé, il aurait été exposé au soleil pour accélérer le séchage).

Caravage est situé à Massine en 1609 où il peint La nativité, la vocation de Saint Matthieu, l’Adoration des bergers, le Martyre de Sainte Ursule (transpercée d’un coup d’épée car elle refusait de se marier).

 Il a une autre manière de peindre. On sent son inquiétude, il est moins concentré sur sa peinture, se sert moins des clairs obscurs. Il travaille de moins en moins bien.

Il veut retourner à Rome pour obtenir la grâce du pape. Il s’embarque sur une felouque, prêtée par la marquise de Colonna, avec trois autres tableaux (dont Saint Jean Baptiste, Marie Madeleine).

Il arrive au port de Palo, puis de Porto Ercole. Malade, il est transporté dans un hôpital voisin, et son décès est enregistré le 18 juillet 1610. Il n’a que 38 ans….

Les causes de sa mort ne sont pas clairement établies ; plusieurs hypothèses circulent : il aurait contracté la malaria, aurait été tué par un chevalier de l’Ordre…

En 2010, la dépouille de Caravage est récupérée dans l’ossuaire d’une église de Porto Ercole. Des analyses sont pratiquées au carbone 14 sur le squelette, les dents. L’analyse des chromosomes confirment une identité avec la famille Mérisi.

Une forte concentration de plomb, ainsi que la présence d’une bactérie laissent à penser qu’il était porteur d’un staphylocoque doré. Il serait mort probablement d’une septicémie contractée par une blessure, selon les chercheurs.

Caravage, c’est un grand mystère, un souvenir incroyable. Chacun de ses tableaux est une œuvre majeure. Ils témoignent de la volonté du peintre de revenir à la réalité des choses.

Redécouvert par l’exposition Longhi en 1951, ses œuvres, exceptionnelles, sont visibles à Paris, Rome (églises), Malte, Naples…

 

*illustrations Wikipedia

                                                                      Marie Pierre Fourdinier, le 16/01/2024

                                                                      UTL Pévèle Carembaut

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