RECENSEMENT

Conférence réalisée par Paul DELSALLE 

Mardi 12 mars 2024

Quel rôle ont donc joué les femmes du pays de Pévèle : à travers les enfants, la transmission, le travail…

Différents éléments caractérisent la femme :

  • Son prénom
  • Sa physionomie
  • Le nombre d’enfants
  • Son rôle professionnel
  • Son statut : mariée, veuve, célibataire, religieuse ou …sorcière.

I LA FEMME ET LA FAMILLE

Les femmes se distinguent par leur prénom. C’est ce qu’attestent les registres de baptême. A l’époque, pratiquement toute la population est catholique, on ne conçoit pas la vie sans le baptême. Le prénom de Marie est réhabilité, à la suite du concile de Trente. C’est le prénom qui arrive en tête, ce qui n’était pas le cas au moyen-âge. Dans toute la Flandre, ce prénom est donné, ainsi que Jeanne, Françoise, Marguerite…Puis vient la mode du prénom double, qui va se généraliser : Marie Anne, Marie Thérèse, Marie Madeleine…

En moyenne, la taille des femmes est d’1,54 m. Les femmes du Pévèle faisaient parties des plus grandes, comme dans l’ouest du pays.

Les cartes d’identité, qui donnent des indications sur les signes distinctifs, attestent qu’elles avaient des yeux bleu, gris, « roux », des taches de rousseur. Mais ceci est à prendre avec prudence.

Dans des actes notariés, on retrouve la composition du trousseau : exemple en 1808, l’acte fait état de la garde-robe de la femme résidant à Pont-à-Marcq : jupes, jupons, corsets, tabliers, bas, coiffes, chemises, mantelet …sont dénombrés.

Les familles sont nombreuses : un recensement de Mons en Pévèle de 1620 fait apparaître la composition des foyers, constitués des enfants, parents, domestiques. Le plus grand nombre de foyers est composé de 7 personnes, les foyers se composent de 1 à 13 personnes dans cette localité. Exemple d’un couple chez qui ont été recensés 11 enfants, de 2 à 21 ans.

II LA FEMME ET LE TRAVAIL

  • Les paysannes

Les femmes gèrent le budget, s’emploient aux travaux domestiques et ruraux.

Grâce aux contrats de mariage, on peut établir que ce que possédaient les femmes (biens fonciers, bétail).  Elles étaient surtout des paysannes. Une immense majorité étaient des toutes petites fermières. 99% des petites fermes ont disparu à ce jour. A Templeuve en 1882, sur les 280 fermes, 214 avaient moins de 5 ha.

Les femmes étaient extrêmement modestes. Avant, dans la société, les paysans représentaient 50% de la population. Venaient ensuite l’artisanat, et le commerce (les douaniers aussi, car territoire proche de la Belgique).

Dans les archives de l’Abbaye de Saint-Amand, on retrouve dans les comptes l’emploi de femmes « aoûtiennes », ou journalières (exemple d’un contrat de mariage d’une femme, ayant épousé un agriculteur, et ayant vécu 84 ans).

L’activité de la paysanne peut être appréhendée par les provisions qu’elle possède. L’inventaire d’une veuve en 1806 d’Ennevelin fait état du nombre de gerbes de blé, fèves, bottes de paille, légumes, laitages…qu’elle entrepose.

  • Les servantes 

Parmi les femmes, il y avait les servantes (incluses dans le recensement). Il y en avait dans toutes les catégories sociales et professionnelles. Illustration faite par l’état du bien foncier en bonniers (unité de mesure de surface, anciennement utilisée, et valant 140 ares) de veuves à Mouchin en 1790 et du nombre de domestiques ou servantes qu’elles employaient.

La servante était une profession répandue à Genech. Une chambre pouvait lui être réservée, tandis que les domestiques dormaient entre l’étable et l’écurie. Les servantes de ferme sont parmi les plus humbles.

Une servante de Landas a reçu un prix agricole, sous forme de médaille et de prime ou timbale en argent, en récompense du fait de son ancienneté, car elle exerçait depuis 51 ans dans cette ferme. A 79 ans, elle était toujours déclarée servante.

  • Les artisanes

Grand nombre d’artisans dans le pays de Pévèle travaillaient à domicile : tisserandes, fileuses, employées par des entreprises de Roubaix, Lille ou Saint-Amand. Ensuite, elles ont été rassemblées en ateliers, puis en usines.

Un grand nombre s’occupait de la confection de vêtements : jaquettes, redingotes, pardessus, gilets…à Bersée, Templeuve, Cappelle et autres communes de la Pévèle.

On retrouve trace de ces professions dans les registres de mariage : les couturières épousaient des journaliers, bourrelier, sellier. C’est un métier qui ne rapporte pas énormément car on reste dans le milieu des journaliers.

  • Les religieuses

On recense une communauté de religieuses à l’Abbaye de Flines, dans la Pévèle de 1750.

Il y avait aussi des religieuses « hospitalières », relevant d’une tradition d’aide charitable.

 

  • Les « dames »

Elles avaient les attributs du seigneur : droit de chasse, gestion de l’exploitation…

A Mérignies, on retrouve l’identité d’une dame à la tête de la seigneurie.

 

  • Les institutrices.

C’est un nouveau métier qui est apparu avec les lois Ferry instaurant l’école gratuite et l’instruction obligatoire.

III LES DIFFERENTS STATUTS

  • La femme célibataire.

Un testament d’une femme célibataire d’Attiches révèle sa situation : malade de corps, mais saine d’esprit. Les témoins présents sont le curé, un marchand de bois, un cultivateur, ce qui donne une idée de l’environnement dans lequel elle vivait. Elle recommande son âme à Dieu, demande que son corps soit porté par 4 filles pauvres de la paroisse. L’exécuteur testamentaire est un tanneur, à qui elle lègue quelques biens mobiliers, à condition qu’il reste dans la maison.

  • La fermière veuve.

C’était un cas fréquent. Le remariage était systématique, encouragé.

Le statut de la veuve était « chef de feu (famille) ». Situation d’une fermière en 1840, veuve depuis 18 ans, qui cultive huit parcelles, de blé, fèves, avoine, pommes de terre…

Une autre veuve, en 1815 doit fournir des bottes de foin à des troupes armées bivouaquant à Mouchin.

 

IV LES FEMMES ACCUSEES DE SORCELLERIE 

Ce sont des cas exceptionnels.

Des affaires de sorcellerie ont défrayé la chronique partout en Europe.

Les cas « locaux » ne sont pas originaux.

Pour bien comprendre le phénomène, il est important de tenir compte du contexte de l’époque, et de revenir aux archives.

Dans la Pévèle, on est catholique. Le diable occupe une place importante. Tout le monde va à la messe le dimanche et écoute le sermon qui évoque le diable (les recueils de sermon retrouvés du curé de Cysoing en attestent).

Les pratiques païennes sont fréquentes, superstitions, croyances magiques. Contexte d’un catéchisme mal compris par les populations, ou parfois mal exprimé par les curés. On a laissé faire la sorcellerie.

Après celle-ci a été criminalisée, et faisait l’objet de poursuite en justice. Mais tous n’ayant pas fait l’objet de poursuites, on ne peut savoir où il y en avait.

Dans la Pévèle, le phénomène est resté marginal. On les accusait d’utiliser des « poudres magiques », de formuler des incantations, de jeter des sorts en public. Cela provoquait des animosités.

Il y a eu une affaire à Ennevelin. Une femme a été accusée d’accointance charnelle avec le diable, d’avoir fait mourir personnes et bestiaux. Jugée par la gouvernance de Lille, elle fut étranglée avant d’être brûlée… Le greffier à dessiné la scène en marge de son acte d’accusation.

On a poursuivi aussi des hommes, Les haines familiales et villageoises expliquent la violence de l’époque. On a retrouvé dans les archives des « lettres de rémission ». On tue par venger son honneur, on demande le pardon du souverain s’il y a eu décès à la suite d’une bagarre. On se dispute entre frères, cousins, l’alcool aidant. Les gens étaient armés de fourches.

Une autre situation dramatique s’est déroulée à l’étang de la Broye à Ennevelin le 12 mars 1588. Des nobles locaux ont voulu épouvanter une femme, l’accusant de sorcellerie. Un document atteste de la scène. La femme est morte des coups reçus et tortures infligées. Ce n’est pas la justice qui l’a condamnée, mais la méchanceté des hommes, des gens du village, bornés et violents.

Ces quelques portraits permettent de mieux appréhender la vie de la femme dans l’histoire du Pays de Pévèle, une vie de labeur pour la plupart d’entre elles.

*illustrations archives départementales

                                    Marie Pierre Fourdinier, le 12 mars 2024

                                                                                       UTL Pévèle Carembault