Conférence réalisée par 

Régis THYOT 

Mardi 7 mars 2023

LE TRANSHUMANISME : VIEILLE UTOPIE OU NOUVELLE LUBIE ?

Régis THYOT nous emmène, à travers cette conférence, dans un monde futuriste, ou plutôt dans une réalité qui nous dépasse et pose la question de l’avenir de l’Homme, le sens de la vie et de la mort.

Docteur en biologie moléculaire, c’est à travers ses connaissances et expériences professionnelles qu’il nous expose les évolutions de la Science dans le domaine du transhumanisme, posant la question de son intérêt pour la nature humaine, les espoirs, illusions qu’il suscite mais aussi les défis et menaces pour l’humanité.

Régis Thyot commence par définir le transhumanisme par ce qu’il n’est pas : Ce n’est (déjà) plus une croyance, c’est une réalité et ce n’est pas (encore) une doctrine.

Le transhumanisme est une dérive de la recherche technologique qui vise à améliorer les capacités humaines en remplaçant certains de nos organes par des machines ou des systèmes plus fiables en vue de rendre l’homme plus performant, voire infaillible.

Poussé à l’extrême ce nouveau scientisme viserait à rendre l’homme indestructible donc …immortel ! s’il s’avère une étape dans l’évolution de l’humanité, est-ce pour autant une évolution de l’homme !

Ainsi on passerait progressivement de « l’homme réparé » (réparation d’un organe endommagé ou vieillissant) à « l’homme augmenté » (les capacités humaines seraient complétées ou remplacées par des systèmes plus performants que leur modèles naturels) à « l’homme dépassé » : Le but ultime ? Fusionner l’homme et l’ordinateur après l’avoir soustrait au vieillissement et à la mort. Vision vertigineuse, perspective éblouissante : jusqu’où l’homme peut -il être dépassé ?

 

TROIS AXES POUR EN PARLER

Pour présenter un tel sujet, il faut trouver la bonne hauteur, le bon ton car il présente à la fois des aspects positifs, voire très positifs et d’autres négatifs voire très négatifs et ces deux pôles restent en tension tout le long de l’exposé.

  1. Le transhumanisme peut être présenté sous trois axes de développement :
  • physiologique (en substituant à un organe humain, son modèle artificiel),
  • génétique (en modifiant le patrimoine génétique de l’homme, remplaçant des gènes défaillants ou en en ajoutant de nouveaux),
  • et neuronal (en connectant ou en substituant le cerveau humain à un homologue numérique).

Irait-t-on vers la disparition de l’humanité telle que Edgar Morin en parle dans : « Le paradigme perdu : la nature humaine ». Qu’est-ce qu’être un Homme, être en vie, être mort ?

  1. Une autre approche du transhumanisme peut être aussi se faire à partir des nouveaux matériaux: les cellules souches, les nanotechnologies, la modification du génome, l’intelligence artificielle, qui modifient notre rapport au temps, introduisent la notion de mort, celle du sens de la vie.

Le cyborg remplacerait l’homme. Par exemple quand dans des combats, on utilise les drones pour remplacer l’homme… pour l’instant, il y a encore un homme aux commandes !

 

  1. Une approche historique et culturelle : Les grecs nous parlaient déjà de transhumanisme : Œdipe, Pygmalion, Orphée, Prométhée, Icare, Héraclès, les mythes évoquaient les épreuves prodigieuses, l’immortalité…

La science-fiction aussi au travers de films, livres, : 2001 Odyssée de l’espace, Robocop, Minority Report, Gattaca qui évoquent les notions de crainte de l’aliénation, de perte de capacités, d’effroi face à la mort.

Une autre façon d’aborder le sujet serait au travers des techniques utilisées…

 

Changer l’homme, par quoi, pourquoi et pour qui ?

 

CHANGER L’HOMME : PAR QUOI ?

Prenant exemple d’un homme qui aurait un problème à la jambe : l’homme réparé pourrait s’aider d’une canne pour marcher, l’homme augmenté aurait une prothèse. L’homme dépassé le serait par un robot intégral.

Si l’on reprend les trois axes :

Dans l’axe physiologique, on peut réparer l’homme par la transplantation d’organes artificiels, l’implantation de cellules souches. On peut réaliser une impression 3D sur des matrices cellulaires.

Dans l’axe génétique, on utilise la mutation et la sélection (théorie de l’évolution), on peut effectuer la manipulation d’embryons, le transfert de gènes (CRISPRCAS9), introduire un code génétique artificiel.

Dans l’axe neuronal, on voit apparaître des projets comme l’Human Brain Project, qui vise à stimuler le fonctionnement du cerveau humain grâce à un super ordinateur. On utilise aussi la modélisation et la duplication de circuits neuronaux, ou la création d’une image numérique. L’interface neurones processeurs est utilisée par exemple pour traiter une rétine défaillante.

 

CHANGER L’HOMME : POURQUOI ?

Le paradoxe de Frankenstein par lequel l’homme cherche à dépasser sa condition : à son stade ultime, il s’agirait de cloner un cerveau dans un système informatique… pour le pouvoir ?

Des applications sur téléphones portables sont conçues pour renforcer d’autres fonctions, comme celle de médecin par exemple (voire les remplacer ?), laissant la voie à des diagnostics réalisés par l’intelligence artificielle qui finit par s’avérer plus fiable du fait de la quantité de données traitées et répertoriées par l’Intelligence artificielle (IA) qui permet des modélisations inaccessibles par un cerveau humain pour le pouvoir encore, et les coûts

Des métiers intellectuels ou a forte valeur ajoutée sont menacés : l’enseignement pourrait être dispensé en ligne, et les examens effectués sur internet, les ingénieurs par des intelligences artificielles… pour le pouvoir et les coûts ?

 

CHANGER L’HOMME : POUR QUI ?

Des grands labels comme Sanofi, Pfizer pour l’axe génétique, d’autres dans le domaine des biomatériaux, s’emparent du sujet.

Deux pièges se présentent : celui de ma maîtrise de l’outil. Si l’on prend l’exemple d’une cellule humaine, si l’on peut faite des schémas partiels des voies du métabolisme humain, le système est tellement complexe que l’on va demander à l’intelligence artificielle de modéliser le fonctionnement de cette cellule. On perd ainsi la compréhension et la maîtrise de l’ensemble du fonctionnement de la cellule humaine.

L’autre piège est celui de l’irréversibilité. Que ce soit dans le domaine des banques, du contrôle aérien, des hôpitaux, de la production d’électricité, c’est l’ordinateur, et non l’homme, qui en contrôle le fonctionnement… ce qui expose au danger du piratage informatique mais aussi du pouvoir que l’on abandonne à la machine : elle seule peut prendre des décisions très rapides en cas de problème. Il peut sembler qu’il n’est plus possible de revenir « au stylo et au papier » dans la grande majorité des cas…  ou au prix d’une remise en cause complète de nos fonctionnements ?

L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE

 

L’intelligence artificielle (IA) sert à compléter le travail de l’homme, à l’imiter, le remplacer.

Mais si les caractéristiques de l’IA sont la rationalité, l’efficacité, l’indexation, l’analyse…

les spécificités de l’homme sont l’émotion, l’éthique , l’intuition, le doute…

Que devient alors le libre arbitre dans l’intelligence artificielle : un algorithme ?

Le désir d’un homme idéal : jeune, beau, fort, intelligent, immortel… poussé à l’extrême est peut-être possible à long terme, mais ferait naître une humanité nouvelle en fusionnant l’homme avec la machine.

Dans le domaine militaire, ces outils seront utilisés pour concevoir des armes, ou des systèmes pour se protéger de ces armes (Cf : « le meilleur des mondes » Aldous Huxley), ou concevoir des armes létales automatiques (DARPA aux Etats Unis).

Le système de prise de décision automatique existe (même s’il n’est pas encore utilisé), il est rapide et efficace.

L’ensemble des données collectées par les réseaux et applications informatiques font que l’IA en sait plus sur nous que nous même… elle a créé des algorithmes qui servent à faire des liens entre différents facteurs et à prévoir nos réactions.

Dans l’histoire déjà l’homme a été mis en garde (Référence au mythe du Golem) : cf Wikipédia : D’après la légende, le Golem est un être gigantesque, fait d’argile ; il a été créé par un rabbin, qui a inscrit sur son front le mot אמת, EMET(H) qui veut dire « Vérité » en hébreu. Ce mot magique est l’un des noms de Dieu : l’inscription a permis de donner vie au Golem. Malheureusement, la créature, invincible, est rapidement devenue incontrôlable. Le seul moyen de l’arrêter était d’effacer la première lettre de l’inscription sur son front, l’aleph (א), qui est la première lettre de l’alphabet hébreu. Si on enlève l’aleph, אמת devient (l’hébreu s’écrit de droite à gauche) , MET(H), qui veut dire « mort ».

Le Golem étant devenu trop grand, le rabbin ne pouvait plus atteindre son front pour l’arrêter…

 

La légende aurait pu s’arrêter là et le Golem détruire l’humanité… lueur d’espoir ! l’esprit humain a déjoué la menace

Il lui demanda de lacer ses chaussures, et, lorsqu’il s’est baissé, il a effacé l’aleph de son front et le Golem est redevenu un simple tas d’argile.

Pour conclure, si le transhumanisme n’est pas (encore) une doctrine, peut-il devenir une religion ? Il a ses dieux (Wifi, google, Facebook, Microsoft), des papes (leurs fondateurs), des prêcheurs (grands labels), et une communauté de croyants …

En complément, quelques références bibliographiques, à titre d’exemple : Luc Ferry, La révolution transhumaniste, Yuval Noah Harari : Une brève histoire de l’avenir. Aldous Huxley : Le meilleur des mondes.

Compte-rendu, augmenté et pas encore dépassé, réalisé à partir de notes.

par Marie Pierre Fourdinier ( avec les précieux conseils de Christine Carton)

 UTL Pévèle Carembault, le 7 mars 2023