Conférence réalisée par Joseph VANDENBROUCKE le 13 décembre 2022

UNE EVOLUTION DU MONDE AGRICOLE FAITE DE RICHESSES ET DE PARADOXES.

Quelques postulats de départ 

L’homme se situe entre la terre et le ciel : « L’Homme est un arbre planté à la rupture des eaux d’en bas et des eaux d’en haut » Annick de Souzenelle.

La transformation vient de l’intérieur de nous-mêmes « Je ne crois pas que nous puissions corriger quoique ce soit dans le monde extérieur que nous n’ayons corrigé en nous-mêmes » Etty Hillesum. Nous sommes tous interdépendants.

La maïeutique plus que l’intensif : En redonnant à la terre le pouvoir de se régénérer, se ressourcer, l’agriculteur aide les semences à grandir. Et si les agriculteurs étaient également les acteurs de la transformation du monde nouveau qui nous attend ?

La force du collectif : les agriculteurs l’illustrent bien : 9 d’entre eux sur 10 sont en coopérative.50% du chiffre d’affaires vient du milieu coopératif. Avec cette idée que la société a de nouveaux collectifs à inventer.

La transformation : Ce n’est pas un changement mais une véritable transformation qui se vit actuellement dans le monde agricole, comme lorsque la chenille devient papillon. On est dans une phase intermédiaire qui ne nous permet pas encore de voir le papillon et cela génère de l’inquiétude. Pourtant l’idée est que cette transformation doit aussi se faire en chacun de nous

 

Des repères historiques 

Avant 1784, on ne dépensait que ce que l’on produisait ; l’eau, l’air fournissaient l’énergie nécessaire. Puis il y eut la révolution techno-scientifique du 18ème siècle. L’homme a changé de place, avec la technique, il « dominait le monde ». La terre est devenue un matériau.

Avec Hiroshima en 1945, nouvelle prise de conscience : l’homme devient esclave de l’instrument de maîtrise de la nature, ce qui produit un changement de posture : l’homme modifie son comportement, il se sent responsable de protéger cette nature.

En 1950, les agriculteurs étaient auto-suffisants, 30% de la production partait à l’extérieur.

Dans les années 1955-1970 : modernisation de l’agriculture, l’agriculture intensive provoque une crise de surproduction. On impose des quotas laitiers. 50% des fermes disparaissent, suicides d’agriculteurs. La profession se structure, s’organise : création de centres de formation, de système d’assurances, de banques. On expérimente : études génétiques, de nouvelles variétés apparaissent. Le paysan devient un exploitant agricole spécialisé

1960, première loi d’orientation : OPA : organisations professionnelles agricoles. Il y a un mouvement sociétal, politique, financier pour devenir les meilleurs du monde.

 En 1980, la France est le 2ème exportateur mondial derrière les USA. L’émergence d’autres dynamismes et organisations au niveau mondial ont fait reculer la place de la France au 6ème rang des exportateurs.

Les crises sanitaires et les problèmes climatiques sont de nouvelles difficultés que doit affronter le monde agricole. Les petites exploitations s’effondrent (baisse de 30% des exploitations inférieures à 12 ha), perte de 40% des exploitations moyennes. On assiste à une montée en puissance des grosses entreprises.

Aujourd’hui, il faut avoir un ancrage local et mondial à la fois. L’agriculture doit se réinventer. L’enjeu est la transition agroécologique : la terre est usée. Comment cette terre peut apprendre à revivre et produire de manière différente.

Il s’agit d’un processus long de transformation, accompagné par la PAC (politique agricole commune), qui a revu ses critères de soutien aux agriculteurs, incluant la protection de l’environnement et l’écologie. Il s’agit d’une vraie mutation portée par la société. Avec 2 millions de personnes qui participent au débat public, un nouveau contrat social est établi : il s’agit d’aider, accompagner les agriculteurs pour pouvoir continuer à produire tout en protégeant l’environnement et en le réalisant de manière écologique.

La recherche de nouvelles technologies (numérique, robotisation, bio technologies) va bouleverser notre rapport au monde et le métier d’exploitant agricole. Pour avoir les moyens de leur transformation, les exploitants se regroupent. C’est la fin de l’abondance, il faut installer un nouveau modèle.

 

Des paradoxes 

Devenu acteur minoritaire du monde rural, l’agriculteur a un problème de reconnaissance et d’identité.

Son métier s’est transformé, de paysan il est devenu, chef d’entreprise. Il s’inscrit dans la mondialisation tout en participant au développement local, il doit faire appel aux nouvelles technologies, s’inscrire dans un collectif, diversifier ses productions allant même vers la production d’énergie parfois…

Dans 5 ans, le système aura muté : Il s’est engagé un « bras de fer » pour nourrir la population de demain. Il faut traverser un certain nombre de peurs (faire le deuil du monde d’avant), changer de paradigme (passer de la culpabilité à la responsabilité), inventer des nouvelles règles de vie. L’agriculture est devenue une affaire d’Etat. Et pour vivre cette transformation « Chacun d’entre nous doit d’abord incarner le changement qu’il veut voir à l’extérieur » Gandhi

Des exemples concrets de transformation : de nouveaux axes apparaissent

Plusieurs transformations positives sont déjà à l’œuvre, en voici quelques exemples :

  • L’exploitant ou son repreneur modifie le produit d’exploitation : implante du houblon, se spécialise dans la farine
  • Un nouveau type de produit est exploité : la spiruline, par exemple
  • Mise en place d’activités connexes à l’agriculture biologique : yoga, bistrot, soins, recréant une nouvelle dynamique sur le territoire
  • Ce sont d’autres européens qui rachètent la propriété pour développer de l’agriculture biologique expansive
  • Le descendant n’exploite plus la terre, il exerce une activité à l’extérieur, son but étant de préserver le patrimoine familial.
  • Activité de méthaniseur, de valorisation des biodéchets.

La séance s’est terminée par un échange avec la salle, des questions ont émergé concernant l’épuisement des terres, la concurrence étrangère, le problème de l’eau, l’arbitrage des décisions, l’accompagnement et la formation des jeunes exploitants.

Un après-midi riche d’informations et d’échanges, avec un témoin privilégié en la personne de Joseph VANDENBROUCKE.

 

                                                            Marie Pierre FOURDINIER

                                                            UTLPC, le 13/12 / 2022