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Conférence réalisée par Jean-Michel LECERF

Mardi 7 Novembre 2023

QUELQUES REPERES

Il y a trois dimensions dans l’acte alimentaire : nourrir, réjouir, réunir.

Cinq sens sont à l’œuvre : voir, sentir, toucher, le goût, l’odorat, vont nous communiquer des informations précises qui vont s’ancrer dans notre cerveau. L’aliment crée une empreinte dans notre inconscient. Et de citer Brillat Savarin, gastronome français. On va parler du plaisir de la table, autour de laquelle on va parler recettes, alimentation. C’est un sujet qui réunit, réjouit, rassemble, même si l’on constate avec tristesse qu’il peut aussi diviser.

On apprend à aimer une denrée, et aimer celui, celle qui la prépare. C’est un acte d’amour de la part de ceux qui nous ont donné à manger, apportant ainsi des souvenirs sécurisants.

Devant la mondialisation de la cuisine, on revient à ces aliments qui nous rappellent nos origines. Plus il y a de mondialisation, plus on va être attaché à notre terroir, nos racines.

Il faut cultiver la dimension festive : dans toutes les cultures, la fête s’accompagne d’un repas, moment de réjouissance, qui va permettre de créer du lien. On va mettre « les petits plats dans les grands », cuisiner, c’est-à-dire transformer en joie des produits chargés d’histoire.

Les cuisiniers sont des gens généreux.

On ne mange pas des nutriments, des calories, on mange des aliments.

Il est important que l’on trouve du sens dans l’alimentation. Les aliments nous racontent une histoire. Il est bon de découvrir les cultures alimentaires, car elles reflètent de belles choses des autres.

Il est important de se réunir pour manger. Il y a une temporalité, une unité de lieu. La déstructuration des repas (chacun va se servir et manger quand il veut et où il veut), commence à nous atteindre. Or, elle compromet notre alimentation.

Jean-Claude Kaufmann, dans « Casseroles, Amour et Crises, ce que cuisiner veut dire », apporte une dimension sociologique. On perd la régulation naturelle de la prise alimentaire. Trois éléments sont importants : faire marcher le plaisir de manger, être à table, avoir une activité physique.

Autre rôle sociétal de l’alimentation : il y a une dimension sociale, psychologique, relationnelle du repas. Des écrivains et poètes, comme Honoré de Balzac, Paul Eluard, ont parlé du plaisir de la table : manger fait du bien, comme on pourrait dire aussi mal manger fait du mal.

Référence à Jean Trémolières, considéré comme l’un des pères de la nutrition moderne française. Né en 1919, il appréhendait déjà la nutrition en intégrant les dimensions aussi bien psychologiques et culturelles que diététiques.

Dans une société où la précarité et la précarité augmentent, touchant 10% de la population, la priorité c’est la nourriture. Des études ont été faites (Pasteur), mettant en lien la pauvreté, la santé et le vieillissement. Il y a des maladies purement nutritionnelles (scorbut, béribéri) …

Quel pourrait être le lien entre alimentation et soins.

Le rôle de la nutrition sur la santé est à mettre en interaction avec d’autres facteurs (comme la génétique). Citation de Jérôme Lejeune, médecin et professeur de génétique français : « La médecine, c’est la haine de la maladie et l’amour du malade »

Les études montrent des « risques de probabilité » parfois toutes relatives sur lien entre ingérer tel aliment et ses conséquences sur le déclenchement d’une maladie.

Pour Madeleine Ferrières, professeur d’histoire moderne, qui a écrit : « Histoire des peurs alimentaires, du Moyen Age à l’aube du XXème siècle », un aliment n’est pas mauvais en soi.

Il ne faut pas confondre risque et danger. Le risque est lié à la quantité, et il ne faut pas faire peur excessivement sur les émulsifiants.

Les vraies causes des problèmes liés à l’alimentation seraient la surabondance, la déstructuration des repas, une surconsommation, la pauvreté, l’égoïsme, la pénurie, les conflits. On produit trois fois plus de protéines sur la planète qu’on en a besoin. Le poète René Char nous dit : «  L’essentiel est toujours masqué par l’insignifiant ».

Les lois de la nutrition : pourquoi mange-t-on ce que l’on mange. La part du psychologique y est importante. On ne sera pas étonné que le psychiatre Pierre Aimez déclare : « l’hérédité prédispose, l’environnement propose, la psychologie impose ».

L’homme est omnivore, car pour lui il n’y a pas d’éléments parfaits (la seule exception est l’alimentation du nouveau-né où l’aliment parfait est le lait maternel). Il faut donc que l’on mange varié, dans toutes les classes d’aliments.

Ce qui est mauvais ce sont les drogues, aliments avariés, létaux comme certains champignons.

Les excès sont mauvais, de n’importe quoi : excès de légumes, de viande, de charcuterie…

3 axiomes : les aliments sont tous bons (sauf ceux sus cités), les excès sont mauvais, et il n’y a pas d’aliments indispensables, ce sont les nutriments qui le sont : Fer, vitamines…mais il y en a qui sont utiles.

La 4ème loi : l’activité physique fait partie de l’alimentation

On parle de « mangeur intelligent », de comportement alimentaire, de symbolique alimentaire. L’anthropologue et ethnologue Claude Lévi-Strauss parle d’aliment « bon à manger et bon à penser ».

Jean-Michel Lecerf, également membre de l’académie d’agriculture de France, évoque les aliments cultivés « in vitro », et se pose la question de l’envie que l’on aura de ce genre d’alimentation.

Sur les exclusions alimentaires, Jean-Michel Lecerf les évoque dans un de ses livres : « 40 idées fausses sur les régimes » : gluten, lait, végétarien, végétalien et attire l’attention sur les conséquences de tels régimes, selon l’âge, le régime, sur notre santé. Il a contribué également à une production collective sous la direction de Claude Fischer : « Les aliments particuliers, Demain mangerons nous encore ensemble ». Cela permet d’avoir des éléments pour contrer les rumeurs, les fake news qui abondent dans le domaine de la nutrition. Un autre régime : le régime cétogène (suppression des glucides), prôné pour perdre du poids, n’aurait pas les effets escomptés, et a des effets secondaires. Son intérêt sur les maladies est reconnu concernant l’épilepsie mais les recherches continuent. Si la maladie cœliaque est liée à l’ingestion du gluten, celle du colon irritable n’et pas due au gluten dans 90 % des cas . Enfin, pour combattre l’hypercholestérolémie (d’origine multifactorielle dont la génétique) les médicaments sont nécessaires, en plus d’un régime adapté

 

La transformation des aliments a grandement augmenté la possibilité d’accéder aux aliments (ex : grains de blé/farine/pain), mais trop de transformation nuit.

On mange 35% d’aliments transformés. Le nutriscore nous guide, mais attention, il calcule pour 100 g et ne tient pas compte de l’environnement de l’aliment. Tout produit industriel n’est pas mauvais : surgelés, conserves…La vraie parade…c’est cuisiner.

Les jeûnes ont-ils une vertu ?

Le jeûne n’a pas de vertu démontrée, mais a des effets qui sont transitoires. Il ne permet pas de rémission de maladie. INSERM : aucune étude n’a démontré le bénéfice du jeûne sur le cancer.

Les effets d’un jeûne intermittent, sont les effets d’un régime, pour lequel on n’a pas assez de recul pour l’instant. Le jeûne pour maigrir est une mauvaise idée : on perd du gras, du muscle, et à l’issue du régime on reprend plus de gras, et pas assez de muscle. Par rapport aux maladies génétiques, Le jeûne, pas dangereux sur des petites durées, n’est cependant pas recommandé, pour des raisons sanitaires.

Des questions ont été posées sur les effets du glyphosate, : il y a plusieurs hypothèses, mais la toxicité humaine n’est pas démontrée, à l’inverse de celle sur l’environnement. Consommer des fruits et légumes continue à être bénéfique pour la santé.

Après un tour d’horizon très vivant, documenté, Jean Michel Lecerf, qui nous a livré une philosophie de l’alimentation termine sur une dernière citation : « Le plaisir se ramasse, le bonheur se cultive, la joie se cueille », tout un programme de vie.

                                                                                     Marie Pierre Fourdinier

                                                              UTL Pévèle Carembault , le 7/11/2023