Conférence réalisée par Marie CASTELAIN-LETESSE

Mardi 3 octobre 2023

Pour notre plus grand bonheur, des architectes nous ont laissé une trace pérenne de leurs œuvres, qui ont traversé des siècles, ou plus contemporaines. Elles sont le résultat d’une ambition, d’un défi, et reflètent soit la grande histoire, soit une histoire personnelle, comme celle, atypique, du Facteur Cheval. C’est ainsi que Madame Castelain-Letesse nous raconte la genèse de grands édifices comme le château de Chambord, la Basilique Saint Pierre de Rome, le château de Versailles, l’opéra Garnier, la tour Eiffel, la villa Rotonda en Vénétie, les salines d’Arc et Senans, et bien sûr, le palais idéal de Joseph-Ferdinand Cheval.

Quel peut être le point commun de toutes ces constructions :

Elles ne sont pas de la même époque, ne sont pas situées dans la même région, ne sont pas réalisées par les mêmes matériaux, et ne répondent pas aux mêmes enjeux.

En revanche elles ont toutes un commanditaire, qui s’est entouré d’architectes et de décorateurs qui ont eu à cœur de répondre aux attentes du « financeur », voire les ont dépassées dans son désir de laisser une trace…

Certaines œuvres sont narratives et présentent la grande Histoire ; d’autres racontent celles des artistes eux-mêmes ; d’autres encore convoquent des données fictionnelles. Alors l’art serait -il le reflet de notre société ? Il est, pour le moins, un témoin de son évolution.

LE CHÂTEAU DE CHAMBORD

François 1er, auréolé de sa victoire à Marignan, veut laisser une trace qui lui survive, laisser au monde quelque chose d’extraordinaire. Il aime la chasse, a découvert l’architecture lors de ses conquêtes ; Il lance son projet en 1516. Lorsqu’il meurt en 1547, il n’aura passé que 42 jours au château, qui s’est édifié sur plusieurs décennies. On ne connaît pas le nom des architectes à la genèse du projet, mais il est probable que Léonard de Vinci y fût associé.

Il s’agit d’une œuvre unique, située dans le Loir et Cher. Elle a été construite sur un marais d’une superficie égale à celle de Paris. Elle s’établit sur six niveaux. Elle est conçue sur un modèle médiéval, mais la toiture est de style gothique, hérissée de nombreuses fenêtres et pinacles. L’enchevêtrement de cheminées et lanternes sur cette haute toiture d’ardoise est parfois comparée à la chevelure d’une femme soufflée par le vent.

Le matériau utilisé pour le château est une pierre régionale, le tuffeau, qui durcit et blanchit au fil du temps et s’adapte bien au travail de sculpture.

Il y a des tours aux quatre points cardinaux, un plan en croix, et au milieu un escalier à double révolution : deux rampes jumelles hélicoïdales. En haut de l’escalier, on dispose d’une vue d’ensemble. Les inscriptions qu’on y retrouve laissent à penser que l’escalier aurait été conçu par Léonard de Vinci.

Le château et son domaine sont inscrits au patrimoine mondial de l’UNESCO.

Il y a plus d’un million de visiteurs par an.

LA VILLA ROTONDA OU VILLA ALMERICO-CAPRA

Contemporaine du château de Chambord, la villa Rotonda est situé sur une colline, près de Vicence en Vénétie. Elle a été construite par l’architecte Palladio entre 1566 et 1571.

C’est une maison privée, commandée par un chanoine en poste au Vatican, Paolo Almerico.

Il a l’apparence d’un temple. Les façades sont dominées par un portique. Le plan est en forme de croix grecque. Aux quatre angles se trouve un escalier. Sur le plan supérieur on trouve une coupole garnie de fresques et pourvue d’oculus qui permet de laisser passer la lumière. A l’intérieur, foisonnent trompes l’œil et peintures murales. Beaucoup de magnificence dans cette construction inspirée de l’antiquité, où se mêlent éléments religieux et mythologie grecque.

Depuis 1994, comme d’autres œuvres de cet architecte réputé qu’était Andrea Palladio, et tout le centre historique de Vicence, la villa est inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO.

BASILIQUE ET PLACE SAINT PIERRE DE ROME

La place Saint Pierre est une des esplanades les plus célèbres, et qui peut accueillir le plus de monde. Elle est située devant la basilique Saint Pierre, au Vatican.

Elle a été commandée par le pape Alexandre VII au Bernin, un des quatre architectes de la basilique, avec Michel Ange, afin de mettre en valeur l’espace situé devant la basilique.

Le Bernin est un architecte urbaniste. Il crée une animation sur ces 2 ha, en disposant les 88 piliers, 140 statues et 284 colonnes sur les ailes, utilisant pour le centre l’obélisque, vestige romain, associé à deux fontaines (de 1656 à 1667).

Saint Pierre de Rome s’organise vers le Tibre. A l’époque de Constantin, c’était un petit édifice érigé sur le tombeau de Saint Pierre. Sa construction commence en 1506 pour s’achever en 1626.

 Sa composition est marquée par la géométrie (Le Bernin). Un autre architecte rajoutera une façade trapézoïdale, de 140 mètres de long. Il y a de hautes ouvertures, afin de mettre en valeur la fenêtre d’où le Pape donne sa bénédiction Urbi et Orbis. La basilique est en forme de croix latine, modifiée à l’époque du baroque au 17ème siècle. Différentes couleurs au sol, des colonnes aux plafonds l’ornent.

Le baldaquin, de trente mètres de hauteur, qui reçoit le Pape pour officier dans la basilique est l’œuvre du Bernin.

Les vues élevées qu’offrent les terrasses contribuent à valoriser les architectes qui ont participé à l’urbanisme, l’architecture et les décors.

A Saint Pierre de Rome, on est dans la démesure

Inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO, la basilique Saint Pierre demeure l’un des monuments les plus visités au monde.

 

LE CHÂTEAU DE VERSAILLES

À l’époque de Louis XIII, on venait à Versailles pour y chasser. Louis XIII avait fait construire en 1623 un pavillon de chasse sur le plateau de Versailles dans les Yvelines, qui allait jusqu’à Trianon.

Après plusieurs décennies où le domaine est peu fréquenté. le Roi Soleil , voulant lui aussi laisser sa trace, va entamer une série de travaux phénoménaux  à partir de 1664 et s’y installera avec sa cour en 1682.

Le château comprend le palais, les Trianons, le Grand Canal et le Parc du château de Versailles. 800 mètres de jardin y seront aménagés par Le Nôtre.

Les deux façades sont très différentes. L’avant met en valeur fenêtres et toitures. L’unité de l’arrière est donnée par la pierre. Elle mesure 575 m de long. On est, là aussi, dans la démesure.

L’édifice s’oriente vers le canal, pour donner un espace visuel. L’espace s’amplifie pour arriver à une nature plus sauvage.

Le jardinier André Le Nôtre arrive à Versailles. Le roi Louis XIV va utiliser les mêmes architectes et paysagistes qui ont contribué au château de Vaux le Vicomte.

Charles Le Brun travaille à la demande du roi, avec Louis le Vau et Ange-Jacques Gabriel, ce qui permet une composition assez unitaire.

La galerie des glaces est conçue pour remplacer la terrasse du Roi et de la Reine. De 70 mètres de long et 10,5 mètres de large, 17 porte- fenêtres et 17 miroirs y seront apposées, afin d’en faciliter l’éclairage. La manufacture de Saint Gobin est créée pour répondre à la commande des miroirs. Des décors somptueux et des lustres en cristal complètent la décoration. Ce fait correspond à la tendance baroque de l’époque.

Comme à Saint Pierre, tout est fait pour éblouir.

Classé monument historique, le Château de Versailles est mondialement connu, recevant plus de 4 millions de visiteurs par an. Le domaine est inscrit depuis 1979 au patrimoine mondial de l’UNESCO.

SALINES D’ARC ET SENANS

L’architecte Claude-Nicolas Ledoux va répondre à la demande du Roi Louis XV de créer une manufacture pour répondre à la fabrication de sel. A l’époque, un impôt sur sa consommation était institué : la gabelle.

Il va ériger, sous forme de cercle d’un diamètre de 370 mètres, un lieu de production et de vie pour les employés, l’accueil, les écuries, la maréchalerie. L’harmonie doit se trouver dans le lieu du travail.

C’est ainsi qu’a été construite la saline royale d’Arc-et-Senans dans le Doubs au 18ème siècle.

L’entrée est constituée de colonnes. Sous le péristyle, une forme de grotte où sont apposés un écusson et les armes royales, pour bien montrer que le projet a été voulu par le roi.

Un des éléments essentiels est la maison du directeur, comportant sur sa façade un oculus, lui permettant d’observer toute la zone de travail. On trouve aussi un petit bâtiment à l’arrière, l’écurie personnelle du directeur. Les bâtiments symétriques qui permettaient de loger les ouvriers, qui vivaient en communauté, et de stocker le sel dans le grenier.

Les salines de chaux abritent aujourd’hui des jardins, lieus de promenade. Les jardins, à l’origine cultivés par les ouvriers, sont devenus des jardins thématiques, créés par des paysagistes. Les berniers servent de lieu d’expositions.

Le site est inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1982.

 

L’OPÉRA GARNIER

Napoléon III, après une mésaventure qu’il a vécu en 1858 aux abords de l’ancien opéra, décide de construire un opéra dans un environnement plus propice, et digne de Paris.

Un concours est ouvert, où se présentent 170 candidats, dont Viollet Le Duc, et est remporté par Charles Garnier, jeune architecte, dont le projet fait l’unanimité.

Le terrain est marécageux, en losange, limité par d’autres bâtiments ; il faut pomper l’eau et la stocker dans une réserve : le « lac de l’opéra ».

L’architecture est éclectique ; la façade mesure 125 mètres de large. Il y a deux entrées sur les flancs. Le rez -de -chaussée est de style renaissance, l’étage est baroque. Lorsque l’impératrice Eugenie interroge Garnier sur son style, il répond : C’est du Napoléon III.

A l’intérieur il y a des grands escaliers pour « parader ». Le grand foyer, espace de lieu social pour les entractes, est inspiré de la galerie des glaces : miroirs, lustres, porte-fenêtre, peintures murales au plafond. Il y a deux mille places, des fauteuils rouges et balcons dorés. Une fois de plus, on est dans la démesure.

Après des retards liés à la guerre contre la Prusse, la construction, commencée en 1861, s’achèvera  par l’inauguration en 1875. C’est une œuvre importante, qui a coûté cher à cause des nappes phréatiques.

Sous l’égide d’André Malraux, alors ministre des Affaires culturelles, Marc Chagall va assurer la réfection du plafond de la coupole en 1964.

Appelé opéra de Paris jusqu’en 1989 (date de l’ouverture de l’opéra Bastille), il porte le nom de son architecte : « opéra Garnier » ou « palais Garnier ».

Il est classé monument historique depuis 1923.

 

LA TOUR EIFFEL

La tour Eiffel est une prouesse technique, de 330 mètres de hauteur, réalisée pour l’exposition universelle de 1889 à Paris. L’architecte Gustave Eiffel s’entoure d’ingénieurs : Nouguier et Koechlin. Elle a été construite en deux ans et trois mois, sur un terrain marécageux du Champ de Mars, à l’aide de 300 ouvriers.

Elle marque l’époque de la révolution industrielle, l’âge du fer.

Elle est le symbole de Paris, de la France.

Cet édifice qui a été tant écrié, et failli être détruit, sera transcendé.

La tour Eiffel est inscrite aux monuments historiques depuis 1964, et au patrimoine de l’UNESCO depuis 1991, en compagnie d’autres monuments parisiens. Elle accueille aujourd’hui près de sept millions de visiteurs par an.

 

LE PALAIS IDÉAL DU FACTEUR CHEVAL

Ferdinand Cheval, facteur de profession, a édifié pendant plus de trente ans, seul, un palais dont il voulait faire sa sépulture, à Hauterives dans da Drome. Il a œuvré jour et nuit pour réaliser son rêve.

Ferdinand Cheval a arrêté l’école tôt, a travaillé très jeune. En 1879, Un jour qu’il effectuait sa tournée, son pied bute sur une pierre qu’il appellera « pierre d’achoppement ». Lors des 30 kms qu’il effectue chaque jour, il amasse des pierres, et se dit qu’il peut en faire une construction, son « palais idéal ». Il les assemble avec du ciment et de la chaux. IL va également utiliser des coquillages.

Son édifice mesure 26 mètres de long et 14 mètres de large et 8 à 10 mètres de hauteur.

On y retrouve sculptés des temples hindous, égyptiens… alors qu’il n’a jamais voyagé.

S’est-il inspiré des cartes postales, ou gazettes, magazines ou illustrés qu’il distribuait ?

Il s’agit véritablement d’un temple dédié à la nature.

Un escalier permet d’accéder à une terrasse, ornée de décors foisonnants.

Il se construit également un mausolée dans le cimetière, tombe qui accueillera sa dépouille à l’âge de 78 ans. C’est le tombeau du silence et du repos.

C’est un homme profondément humain, qui sera allé jusqu’au bout de son rêve. Il a été apprécié par les surréalistes, tels Pablo Picasso et André Breton, pour son imaginaire.

André Malraux, ministre de la Culture, va avoir à cœur de préserver son œuvre. Il le fera reconnaître comme chef d’œuvre de l’architecture naïve et de l’art naïf.

Il est classé au titre des monuments historiques depuis 1969.

Il a accueilli 180000 personnes sur la période 2018-2019.

 

CONCLUSION

En conclusion, que les commanditaires soient seigneurs, empereurs, communes ou d’initiative individuelle, les architectes et décorateurs, renommés ou autodidactes, nous offrent à voir aujourd’hui des constructions merveilleuses, aux quatre coins de la France, reconnues d’une valeur universelle exceptionnelle, dignes d’être préservées comme patrimoine de l’humanité (UNESCO), témoins de notre passé, de notre présent et parfois de notre futur dans une conception de la vie et de la société.

La visite de la Villa Cavrois nous permettra de découvrir une vision avant-gardiste de la vie d’une famille bourgeoise du début du XXe.

Marie Pierre Fourdinier pour l’UTL

*illustrations issues de Wikipédia