Depuis l’Antiquité, ces héros ont nourri notre imaginaire et notre quotidien.  Leurs incroyables exploits nous ont été transmis d’abord à travers la littérature, puis par les œuvres des grands maîtres. Dessinateurs, peintres, sculpteurs se sont nourris des mythes. Ces héros ont été transposés dans l’interprétation moderne chez les plus puissants, mais aussi dans la culture populaire, d’où le thème d’Hercule à Superman.

Mais, quels sont les ingrédients pour définir les identités autour des héros, des héroïnes. Comment un personnage est considéré comme héros : son âge, sa bravoure, sa place dans la société ?

Ces ingrédients se mettent en place dans les récits, dans les illustrations, et cela remonte à l’Antiquité.

LES HEROS ANTIQUES

Sur une coupe à figures rouges, datant du 5ème siècle avant JC, sont représentés des faits de bravoure. La scène centrale y présente Thésée, héros légendaire de la mythologie grecque, terrassant le redoutable Minotaure du roi Minos.

 

Achille, héros grec légendaire, est lui représenté sur un vase grec (figures noires du 6ème siècle avant JC) affrontant Memnon (roi des Ethiopiens). On distingue des attributs permettant de les identifier : cuirasses bien visibles pour le guerrier Achille et couronne évoquant le statut de souverain de Memnon. Deux femmes figurent sur les côtés, ce sont les mères des protagonistes.

Ce type de représentation, avec tous les symboles et attributs liés à la représentation de ces héros, va permettre de développer une imagerie et des réalisations artistiques les plus emblématiques.

Un autre héros, qui a vécu de grandes aventures et a des origines aussi extraordinaires qu’Achille est Hercule. Fils de Jupiter et d’Alcmène, Hercule est doté d’une force « herculéenne », quasiment invincible, il va entreprendre les travaux. L’un deux est magnifié par une représentation d’Hercule combattant l’hydre de Lerne (6ème siècle avant JC). Il est reconnaissable à ces attributs : Hercule est représenté barbu, ses épaules sont drapées d’une peau de bête, le lion de Némée qu’il a aussi vaincu. Hercule sera aussi représenté en 1525 par le sculpteur Bandinelli qui met en valeur sa force musculaire lors de son affrontement avec Cacus. Hercule est le personnage le plus représenté.

Les artistes respectent l’iconographie pour permettre de rendre les héros identifiables.

Mais si ces héros ont des origines particulières, quasiment des demi-dieux, il y en a d’autres qui acquirent le statut de héros, non parce que leurs parents sont des divinités, mais par leur bravoure et l’épopée qu’ils ont vécu. C’est le cas d’Ulysse. Au centre du poème mythologique d’Homère, il est l’un des personnages les plus célèbres de la mythologie. Un relief datant de 450 ans avant JC le représente avec Pénélope, son épouse fidèle qui attendit son retour, avec une expression des visages très marquée.

Ulysse est un personnage fascinant, qui se questionne sur ses épopées, mais aussi sur ses erreurs. Il va inspirer jusqu’à nos jours. Chagall va mettre son univers artistique au service de l’histoire. Il fait preuve de beaucoup d’imagination à travers son célèbre tableau : Ulysse et les sirènes (1974), représentant le monde aquatique, même aérien.

Entre héros mythologiques et historiques, il n’y a qu’un seul pas.

Comment un simple « mortel » acquiert le statut des héros : par son parcours, telle une personnalité historique comme Alexandre Le Grand. Un buste datant d’un siècle avant JC le montre imberbe. C’est l’un des premiers souverains qui va casser les codes de représentation pour se singulariser par rapport aux autres portraits des souverains, représentés avec une barbe, symbole de maturité. La technique de mosaïque utilisée dans la représentation de la bataille d’Issos (2ème siècle avant JC) met en valeur le modelé et ainsi fait apparaître Alexandre le Grand sur son cheval Bucéphale comme un héros jeune et vigoureux.

Comment se fabriquent des héros : on se rend compte qu’au Moyen Age il y a une évolution et un intérêt pour les saints héros.

LES HEROS MEDIEVAUX, SAINTS CHRETIENS ET PREUX CHEVALIERS

Le choix des personnages, que l’on va puiser dans la bible, va s’inspirer des héros antiques.

Le christianisme se développe au niveau de l’image, notamment à travers les enluminures et illustrations de la Bible.

Ainsi dans la Bible Winchester, une scène de la vie de David, jeune berger, le représente terrassant le géant et courageux Goliath. Par un lance pierre, il va atteindre ce géant et décapiter sa tête, et ainsi libérer son peuple. Grand nombre d’artistes l’ont représenté ; Ainsi une œuvre célèbre de Caravage : « Décapitation de Goliath » (16ème siècle) met en scène le drame qui s’opère. Contraste entre le visage juvénile de David, en train de tresser la chevelure de Goliath.

Le christianisme qui combat le mal va se voir illustré par Saint Georges : une icône du 15ème siècle le montre en train de terrasser le dragon. Il va devenir le symbole des croisades et du combat contre le paganisme. La même scène sera représentée en 1506 par le peintre Raphael : « Saint Georges et le Dragon », dans laquelle saint Georges ne tue pas le dragon, mais l’assouvit, exerçant sur lui son emprise. Un détail du tableau fait apparaître la devise de l’ordre chevaleresque de la Jarretière, en référence au commanditaire du tableau, avec la devise Honi …soit qui mal y pense.

Il n’y a pas que des héros chrétiens qui sont représentés, mais également des chevaliers.

La littérature profane raconte les histoires des grands chevaliers, dont Lancelot est le plus célèbre. Il est représenté dans une enluminure du 15ème siècle combattant les Dragons du Val sans retour.

Une autre vignette, représentation d’un manuscrit de 1475, va montrer Judith , une héroïne de la Bible qui, pour libérer son peuple des assyriens, va couper la tête d’Holopherne, après l’avoir séduit . En 1612, Artémésia Gentileschi, dans un univers proche de Caravage, va représenter l’acte héroïque de Judith, avec une force expressive incroyable.

Jeanne d’Arc est une autre héroïne qui fût représenté par Ingres notamment, avec les attributs : fleur de lys, armures, pour louer son courage d’avoir libéré la France.

LES TEMPS MODERNES : HEROISATION DES SOUVERAINS.

Il y a eu une volonté des plus puissants de se laisser représenter comme héroïnes en s’associant à des divinités ou héros mythologiques.

Ainsi : Anne d’Autriche, représenté par Pierre de Moyne dans la galerie des femmes fortes en 1647, entre Judith et Zénobie, Marie de Medicis dans une représentation allégorique de la déesse Minerve appliqué au visage de la souveraine.

Même procédé pour la reine Marie Antoinette, peinte par Drouais en 1773, représentée en Hébé, déesse de la jeunesse. Elle a comme attribut dans ses mains l’ambroisie, l’élixir de jouvence.

Henry IV, en 1600, se fait représenter en Hercule, visage mature encadré d’une barbe, dans un corps svelte et puissant, en train de terrasser l’hydre.

Ce n’est pas le seul à se confronter aux héros mythologiques et aux divinités : Louis XIV, en 1562, est représenté par Joseph Werner en roi soleil, qui va être associé au dieu Apollon, dieu des Arts, qui combat le serpent python. Ensuite Delacroix, au milieu du 19ème siècle, va terminer la peinture marouflée du pavillon de chasse, en associant la représentation d’Apollon, nimbé d’un halo lumineux, faisant référence au roi. Louis XIV s’identifie à Apollon, lançant la flèche, accompagné de Diane.

En allant plus loin dans le raisonnement de la fabrique des héros, une autre personnalité joue beaucoup de ces associations d’idées et se représente en héros conquérant come Alexandre le grand : il s’agit du 1er consul : « Bonaparte franchissant les Alpes » 1800 par JL David. Le tableau veut associer la force et le courage de Bonaparte aux héros comme Hannibal et Charlemagne dont les inscriptions figurent au bas du tableau. Il se met ainsi à l’égal des héros de l’histoire.

A cette mouvance où les puissants vont utiliser tous les codes d’identification des héros, va succéder celle commun à tout un peuple, et non une seule personne.

Dans « La liberté guidant le peuple » en 1830, Delacroix va représenter le courage de tout un peuple, en l’image d’une jeune femme, portant les armes et le drapeau, référence à l’antique. C’est une allégorie de la liberté. Le peuple français est représenté à travers plusieurs figures : la jeunesse et les différentes classes sociales.

 C’est une œuvre fascinante qui permet d’ouvrir sur le sujet des héros où cela est lié à un idéal.

Au XXème siècle, on bascule sur une évolution du thème du héros.

HEROS ET SUPER HEROS

Il va y avoir une assimilation entre la mythologie à l’antique et la création de super héros, venant d’autres univers, dotés de force incroyable, qui vont défendre les plus faibles et prôner la justice.

Ainsi, en couverture de la BD Comics, des héros de la culture populaire vont apparaître :

En 1938, Superman combattant un lion (parallèle avec l’œuvre de Rubens au 17ème siècle : Le courage d’Hercule devant le lion de Némée).

En 1940, Captain America, représenté avec des ailes, mis en comparaison avec Mercure. On reprend le code des héros antiques en empruntant des détails qui vont nourrir la personnalité de ces personnages.

En 1939, Superman est représenté arrêtant les dictateurs. L’image du super héros de l’ordre de l’imaginaire est remise dans le contexte historique. Il s’agit de combattre le nazisme.

Ces super héros font partie intégrante de l’image de la pop culture, que les artistes de l’époque vont réutiliser pour leur propre création artistique. Ainsi Andy Warhol en 1961 et 1981 s’est associé à l’image iconique de superman pour la réalisation de ses sérigraphies.

Un autre artiste du pop art, Roy Lichtenstein s’est intéressé au milieu des Comics en créant en 1990 une super héroïne :  Wonderwoman, personnage qui s’inspire d’une déesse antique : Minerva. Il met en valeur l’héroïne en l’associant à la mythologie antique Une autre vignette fera référence à Athéna.

Il y a aussi une fascination pour les anti-héros.

Jean Michel Basquiat , grand artiste du street art , en 1987 dans « Riddle me this Batman » représente Mr Mystère et le Joker.

Il va aussi utiliser le personnage de Captain America, qui symbolise l’histoire de l’Amérique, pour dénoncer la ségrégation, le racisme. Il remet en cause le patriotisme américain, qui fait la sourde oreille sur ces questions.

En conclusion, le héros, anti-héros, ce questionnement sur la fabrique des héros est en perpétuel mouvement et à l’heure actuelle, il y a une volonté de mettre à l’honneur des héros restés dans l’ombre.

C’est ainsi que Bansky, le célèbre street artiste, a réalisé en 2020, pendant la pandémie, une œuvre peinte sur papier qu’il a offert à un hôpital anglais , et qui symbolise l’héroïsme des soignants lors de la crise du covid. Un jeune garçon y est représenté, il a mis dans sa corbeille les héros superman, et joue avec une poupée à l’effigie d’une infirmière.

Cette œuvre a été vendue aux enchères, et tous les bénéfices vont être reversés au milieu médical, ces héros de l’ombre…

L’évolution du profil des héros depuis l’Antiquité propose donc une vision intéressante d’ouverture.

 

                                                                                       Marie Pierre Fourdinier

                                                                                        10 janvier 2023

                                                                                       UTL Pévèle Carembault